Au 17ème siècle, les amérindiens des peuples Micmacs et Wendats regardaient avec cynisme la manière dont les français conversaient entre eux. Sagar dans Le grand Voyage du Pays des Hurons écrit en 1632, qu’il « avait été surpris et impressionné par l’éloquence de ses hôtes, ainsi que par leur grande maitrise de l’argumentation rationnelle, des compétences qu’ils affutaient à travers une pratique quasi quotidienne du débat public pour gérer les affaires communes. A l’inverse, les Wendats, quand il leur était donner d’observer les Français en pleine discussion, retenaient surtout le fait qu’ils semblaient parler tout en même temps sans s’écouter, s’interrompant constamment pour avancer des arguments médiocres, en un mot comme en cent, ils ne paraissaient pas briller par leur intelligence. Pour un Wendat monopoliser la parole et ainsi priver ses interlocuteurs des moyens de développer leurs idées était aussi grave que d’accaparer des ressources vitales en refusant de les partager. Aux yeux des Amérindiens, les Français vivaient dans une sorte d’état hobbesien de guerre de tous contre tous ». (Graeber et Wengrow, 2021, p60).
Cette manière de parler « à tort et à travers » et à débattre plus qu’à chercher la qualité du dialogue me semble symptomatique de nos organisations contemporaines. Le point que je trouve intéressant est la question de la régularité, voire de la quotidienneté du dialogue comme « rituel » dans les interactions d’un groupe de personnes. Dans le cas des associations accompagnées, celles-ci avaient comme intention de conserver la disposition en cercle pour mener à bien leurs réunions.
Pour revenir aux peuples amérindiens, ces derniers pratiquaient également une forme de gouvernance démocratique. En effet, si un chef indien voulait emmener son peuple au combat il n’avait que la possibilité de convaincre ses guerriers car chez les amérindiens « tous étaient égaux, car tous également libre d’obéir ou de désobéir aux ordres selon leur bon vouloir (…) Puisque toute contrainte était bannie, une telle cohésion sociale ne pouvait être obtenue qu’au moyen du débat raisonné, du pouvoir de persuasion et d’un effort pour tendre au consensus ». (Graeber et Wengrow, 2021, p63).
Les modèles des peuples amérindiens sont très inspirants. Cette manière de décider par consensus, sans obliger l’autre à agir contre ses convictions, devait produire un immense engagement pour la communauté.